Culture numérique : quels atouts pour les organisations ?

Nous entrons dans un monde nouveau que le numérique enrichit, transforme et surveille.  Il est important de disposer de connaissances variées et interdisciplinaires pour y vivre avec agilité et prudence, car si nous fabriquons le numérique, le numérique nous fabrique aussi ».

Cardon, Dominique. Culture numérique. Presses de SciencesPo, 2019.

L’idée d’un changement de culture lié à l’émergence des technologies numériques s’est faite dans un contexte où, notre vie personnelle et professionnelle, nos modes de travail, d’acquisition, de connaissances et surtout notre manière de penser et de concevoir le monde se trouvent fondamentalement bouleversés par ces technologies. 

Dans cet article, nous explorerons, de manière non-exhaustive, les différentes dimensions de la culture numérique avant de montrer les atouts dissimulés certes, mais bien réels, qu’elle présente pour tous types d’organisations.

La culture numérique comme culture générale du numérique

Apparue vers les années 801,l’expression « culture numérique » a fait l’objet de nombreux travaux écrits et oraux, émanant majoritairement d’auteurs professionnels ou de structures qui en font une thématique spécifique.

Malgré cette littérature très fournie, il est toujours aussi difficile de saisir ses contours tant elle renvoie à différentes terminologies. Si Pierre Levy emploie le terme cyberculture pour désigner « l’ensemble des techniques (matérielles ou intellectuelles), des pratiques, des attitudes, des modes de pensée et des valeurs qui se développent conjointement à la croissance du cyberespace ».

Lévy, Pierre. Cyberculture: Rapport au Conseil de l’Europe. Odile Jacob, 1997.

D’autres auteurs comme Douihi, parlent d’une  « conversion numérique », un changement culturel issu de la manière dont « la science informatique a modifié les liens sociaux et la manière dont on fait société ».

Doueihi, Milad. La grande conversion numérique. Seuil, 2008.

Sur un autre registre, la culture numérique peut également renvoyer à un ensemble de savoir et connaissances pluridisciplinaires sur le numérique, en plus des compétences techniques s’y référant.

L’intérêt de forger cette « culture générale numérique » réside dans la nécessité de posséder une intelligence des effets du numérique sur les pratiques humaines. De comprendre, mais surtout d’expliquer, comment l’humain s’adapte socialement et pratiquement à ces technologies.

Pour ce faire, les spécialistes de la question adoptent une démarche pluridisciplinaire autant basée sur les sciences humaines et sociales que sur les aptitudes liées au numérique. 

La culture numérique peut ainsi être analysée sous plusieurs aspects :

– L’aspect historique :

De l’origine des ordinateurs à celui d’Internet, en passant par la privatisation du web aux lancements des premiers navigateurs, connaître les dimensions historiques d’internet, nous aide à prendre conscience du chemin parcouru, permet d’éclairer le présent tout en anticipant au mieux les futures évolutions des sociétés numériques.

L’aspect géopolitique :

Le numérique entraîne inéluctablement une redistribution des rapports de puissance en devenant un élément déterminant dans l’échiquier politique international. De ce fait, il se place désormais au cœur de conflits entre différents acteurs étatiques et non étatiques.

– L’aspect économique : 

Dans un monde où l’ensemble des secteurs est touché par le numérique, la compréhension des nouveaux enjeux économiques est essentielle afin de mieux y définir sa place de citoyen et/ou d’organisation.

Nous l’avons compris, la culture numérique est un atout considérable pour la compréhension du monde contemporain, mais comment appréhender ses atouts au sein des organisations ?

Les atouts de la culture numérique pour les organisations

Le niveau de culture numérique au sein des organisations peut être assez délicat à évaluer du fait de l’hétérogénéité des compétences et connaissances numériques ; qui peuvent varier en fonction du domaine professionnel, de l’âge, du genre et/ou du niveau hiérarchique.

Cette étude menée par l’institut de sondage OpinionWay  en collaboration avec le cabinet de conseil en stratégie SBT Human(s), révèle un manque de connaissances des salariés français sur des domaines cruciaux comme la sécurité informatique, la culture web, la data et les métiers numériques de manière globale.

Le constat est alarmant : 56 % des « digital natives » (génération qui a grandi en même temps que le développement d’Internet) ignorent les procédures basiques en matière de cybersécurité, 70% des salariés interrogés ignorent ce qu’est la Big Data tandis que 40% méconnaissent ce qu’est un Chat bot.

Le plus souvent abordée sous la seule dimension technique, la transformation numérique se limite généralement à un passage des méthodes de travail traditionnelles vers une adoption d’outils numériques (gestion de projets, de travail collaboratif et d’outils de communication interne et externe par exemple). Or, ce processus doit prendre en compte les changements culturels et les enjeux induits par le numérique en instaurant un état d’esprit qui soutient les différentes transformations au sein des organisations et qui se manifeste par :

– une aisance avec des outils technologiques de base et une capacité d’adaptation à d’autres outils sans formations intensives ;

– des connaissances de base sur le numérique accompagnées d’une compréhension des enjeux qu’elle implique.

Enfin, elle suppose que les collaborateurs peu importe leur niveau soient conscients de l’impact du numérique sur leurs revenus, la vente et la productivité. 

Plusieurs raisons peuvent être favorables au développement de la culture numérique dans les organisations :

1. Aider à la prise de décision

Le numérique modifie les modes d’organisation et de fonctionnement des organisations. Une bonne culture numérique fournit aux collaborateurs et dirigeants, des grilles de lecture et d’analyse précieuses pour la prise de décision. Ainsi, ils seront plus à même d’accompagner les transformations numériques entamées au sein des organisations tout en décryptant les stratégies des différents acteurs qui y sont impliqués. 

2. S’adapter aux innovations technologiques

En plus de permettre aux collaborateurs de sortir de l’assuétude professionnelle quotidienne, proposer des formations de culture numérique est aussi une manière de mettre à jour l’ensemble des dirigeants et collaborateurs sur les bouleversements qu’entraînent les innovations technologiques. Aujourd’hui, aucun domaine n’échappe à la rapidité d’évolutions de la technologie et il est d’autant plus important de se préparer aux changements et aux ruptures que peuvent entraîner ces évolutions pour éviter de se laisser dépasser ou même de disparaître.

3.  Renforcer l’engagement des collaborateurs et la performance de l’organisation

Initier à la culture numérique, c’est aussi renforcer l’engagement de ses collaborateurs en créant du lien et en leur permettant de s’exprimer et d’acquérir de nouvelles connaissances dans un cadre divertissant, stimulant et non compétitif. Ainsi, ils se sentiront non plus comme de simples ressources de l’organisation, mais comme des acteurs légitimes de la transformation numérique entamée ou déjà effective. Cette focalisation sur le bien-être ne peut être qu’avantageuse  comme le montre cette étude  datant de 2019 , 90 % des salariés pensent que la santé et la qualité de vie au travail contribuent à la performance de l’entreprise.

Comment enrichir la culture numérique de son organisation ?

Le moyen le plus efficace d’enrichir la culture numérique de tous, au sein de votre organisation, est de s’assurer que les collaborateurs ont une connaissance du numérique et de ses enjeux pour l’entreprise, en proposant des formations initiales et continues, des ateliers ou conférences sur la culture numérique.

De nombreuses ressources, s’adressant à tous les niveaux de connaissances sont  gratuitement accessibles en ligne.

Louis Derrac, consultant, formateur et membre du collectif d’indépendants Resnumerica propose sous la licence Creative Commons CC BY-SA, des cours et formations en culture numérique.

Le collectif propose également :

  • Des formations dédiées aux outils, méthodes et process en particulier (messageries d’équipe, suites bureautiques, logiciel).
  • Des offres de webinaires sur une actualité choisie avec l’organisation, de sorte à vulgariser des enjeux actuels du numérique.
  • Une veille mensuelle personnalisée avec des articles et des éclairages sur l’actualité numérique.

Pour aller plus loin

Bibliographie

Cardon, Dominique. Culture numérique. Presses de SciencesPo, 2019.

Doueihi, Milad. La grande conversion numérique. Seuil, 2008.

Lévy, Pierre. Cyberculture: Rapport au Conseil de l’Europe. Odile Jacob, 1997.

Crédit image à la une : Digital Humanities –What Is It and Why Is It One of the Newest Revolutions in the Humanities ?

  1. Balima, S. (2004). Une ou des « sociétés de l’information » ?. Hermès, La Revue, 40, 205-209.

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