Parentalité numérique : déconstruire les stéréotypes pour mieux accompagner dans les pratiques numériques

Dans un contexte où « les appareils numériques » font partie intégrante de la vie familiale, les parents doivent plus que jamais éduquer et accompagner leurs enfants dans leurs usages et pratiques numériques.

En 2021, révèle l’institut de sondage Gece, 93 % des enfants de moins de 13 ans sont régulièrement exposés aux écrans. Sur un autre registre, cette étude de l’Observatoire de la Parentalité et de l’Éducation Numérique (OPEN) indique que les activités numériques sont avant tout réalisées seules par l’enfant à l’exception du visionnage de films (22% seul et 47% avec les parents), de séries (30% seul et 37% avec les parents) ou de photos (33% seul et 42% avec les parents). Si les parents sont aussi conscients des risques que du potentiel d’enrichissement social, intellectuel et scolaire du numérique, il n’en demeure pas moins que certains stéréotypes sur les comportements numériques des enfants persistent toujours.

Cet article est l’occasion de déconstruire quelques idées reçues, d’encourager le développement des compétences par la co-éducation avec les partenaires éducatifs et de convier à un plus grand encadrement des usages et pratiques afin de créer les meilleures conditions d’accès au numérique par les plus jeunes.

1. Déconstruire les idées reçues

Idée reçue 1 : le numérique c’est pour les garçons !

Les parents jouent un rôle prépondérant dans les choix d’orientation des enfants, et il semble que l’idée d’un secteur numérique plus favorable aux garçons subsiste encore chez la plupart d’entre eux.

Les filles sont en effet peu encouragées à s’orienter vers les filières et métiers numériques comme le révèle cette enquête du cabinet Ipsos sur la construction des choix d’orientation des jeunes. Sur les 800 lycéens et lycéennes enquêtés,seul 33 % des filles sont encouragées contre 61 % chez les garçons. Du côté des parents, 87 % considèrent que les filles ayant un diplôme en informatique seront désavantagées face à leurs pairs masculins en termes de salaire, d’évolution professionnelle et d’embauche. Or, les critères de sélection sont sensiblement les mêmes pour les filles et les garçons.

Bien évidemment,ces discours contribuent tant à la sous-représentation des filles dans les métiers numériques, qu’à l’accroissement des inégalités de genre au travail, de manière générale.

Il est important que les parents se saisissent des enjeux de genre et des dimensions socio-raciales du numérique, de le penser de manière plus inclusive et d’encourager les filles dans un secteur où ils ont entièrement leur place.

Idée reçue 2 : Les enfants avalent les infox toutes crues !

Contrairement aux idées reçues, les adolescents adoptent une posture de doute automatique sur la crédibilité de l’information, même si pour autant, ils ne font pas systématiquement la démarche de la vérifier. C’est ce que révèle l’étude de Milan Presse menée sur 1005 adolescents âgés de 10-15 ans. Si 61 % d’entre eux s’interrogent sur la véracité de l’information, plus de la moitié (69%) recherche « jamais » ou « rarement » leur source. Paradoxalement et selon la même enquête, 85 % d’entre eux envisagent l’existence d’au moins une théorie complotiste. Les parents, l’école et les acteurs éducatifs associatifs jouent dès lors un rôle central dans l’éducation aux médias des enfants et cela passe essentiellement par la diffusion d’informations de bonne qualité et la mise à disposition des bonnes clés pour leur apprendre à s’informer.

À ce titre, plusieurs ressources et activités sont mises à disposition par le centre pour l’éducation aux médias et à l’information (CLEMI). Vous pouvez également retrouver cette chaîne d’esprit critique qui aide les ados à déconstruire les théories du complot avec humour et pédagogie.

2. Encourager le développement des compétences numériques par la co-éducation

Pour Humbeeck, Lahaye, Balsamo et Pourtois (2006), le rôle d’éducateur, qu’il soit parent ou intervenant scolaire, nécessite quatre éléments :

  • l’écoute des besoins de l’enfant;
  • le respect de l’évolution de chacun;
  • la confiance que le temps est un facteur important;
  • la considération de l’enfant comme un être à part entière.

La co-éducation s’inscrit donc dans une logique de coopération ou de partenariat entre les membres de la famille et les personnels éducatifs afin d’œuvrer pour l’intérêt et la réussite de l’enfant. Si le confinement 2020 a stimulé la communication entre les familles et les enseignants, ce rapport du Labo Société Numérique montre qu’un manque de compétences chez les parents a inversement obstrué l’enseignement à distance. En effet, 17% des parents concernés par l’école à la maison ont rencontrés des difficultés, dont 9% liées à l’utilisation des technologies et 11% au suivi scolaire.

Source : Note France : « École, numérique et confinement : quels sont les premiers résultats de la recherche en France ? »

Au lendemain des confinements, l’enseignement avec le numérique s’est massifié au point de faire allusion à une « transformation numérique de l’éducation ». De plus en plus, les compétences numériques constituent des éléments essentiels du parcours scolaire et du développement personnel des enfants. La co-éducation au numérique a ainsi été placée au cœur des enjeux de transformation numérique de l’Éducation Nationale avec la mise en place des Territoires Numériques Éducatifs(TNE).

Parmi les mesures clés du programme, figure la formation des parents volontaires aux enjeux du numérique éducatif. Ce dernier volet est notamment mis en œuvre par la Trousse à projets, plateforme solidaire de financement participatif des projets éducatifs qui propose des ateliers autour de l’e-parentalité et différentes ressources pour favoriser la co-éducation et les bonnes pratiques autour du numérique. Également, le Ministère de l’Éducation Nationale a élaboré un cadre de référence des compétences numériques (CRCN), inspiré du cadre européen (DIGCOMP). Les compétences font l’objet d’une certification nationale délivrée via la plateforme en ligne Pix.

Ainsi, parents, enseignants et autres acteurs de l’éducation peuvent autant s’impliquer dans l’évaluation que le développement des compétences numérique des enfants.

Source : Évaluer et certifier les compétences numériques

Au-delà des compétences techniques, il est également important d’inculquer une réflexion plus éthique sur le numérique. Cela passe notamment par une responsabilisation des usages des enfants en s’appuyant sur ces quatre points inscrits dans le Cadre de Référence de la Compétence Numérique du Québec, par exemple :

Source : Agir en citoyen éthique à l’ère du numérique

3.Encadrer les usages et pratiques numériques

L’encadrement des usages numérique des enfants est un sujet central de la parentalité numérique. Selon l’étude de Médiamétrie sur la parentalité à l’ère du numérique, 95 % des parents mettent en place au moins une règle pour contrôler les usages numériques. Si 75 % estiment les règles mises en place efficaces, les difficultés interviennent au fur et à mesure que l’enfant grandit. En effet, l’instauration des règles intervient généralement entre 3 et 6 ans en moyenne pour devenir difficilement applicables au-delà . Raison pour laquelle il est conseillé de favoriser l’éducation aux usages au détriment de l’interdiction à partir d’un certain âge.

Plusieurs actions peuvent aider en ce sens :

  • Instaurer des débats constructifs autour des limites, des excès du numérique
  • Donner le bon exemple en limitant soi-même l’utilisation de certains appareils numériques
  • Accompagner et rester attentif aux usages et pratiques numériques (s’intéresser à leurs usages, jouer avec eux, regarder des séries ensemble, etc.)
  • Valoriser les expériences numériques et en corrélant les usages et leurs apports concrets (TikTok permet aux ados de développer leur créativité, polyvalence,compétences en montage vidéo par exemple)
  • Sur le plan qualitatif, toujours encourager une variété d’activités, numériques ou non.
  • Sur le plan quantitatif, encadrer les temps d’écran en mettant en place des règles pratiques (règle du 3-6-9-12 par exemple)

Source : La campagne 3-6-9-12 en français

Conclusion

Dans une société où la frontière entre le virtuel et le réel s’estompe peu à peu, il est important d’accompagner les enfants dans leur vie numérique. Cela passe notamment par une déconstruction des idées reçues sur le numérique, un appui au développement des compétences et enfin, l’encadrement des usages et pratiques en favorisant l’éducation au numérique au détriment de l’interdiction. De cette manière, les enfants pourront cultiver une relation plus éthique, constructive et émancipatrice avec le numérique, tout au long de leur vie.

Photo à la une de Marisa Howenstine sur Unsplash

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